L’OBSERVANCE DU CARÊME (St Benoît)

Ce n'est pas souvent que saint Benoît parle à la première personne, mais lorsqu’il le fait, on aperçoit un peu sa personnalité.

C'est notamment le cas dans le quarante-neuvième chapitre de sa Sainte Règle, révélant dès la première phrase son intensité de conviction et la douceur paternelle de sa modération caractéristique : « Bien que la vie d’un moine doive en tout temps être conforme à l’observance du Carême, néanmoins, comme cette perfection ne se rencontre que dans un petit nombre, nous exhortons les frères à garder leur vie en toute pureté durant les jours du Carême, et à réparer en ces saints jours toute les négligences des autres temps. »

Manifestement, le patriarche des moines prit comme exemple ces vertus du Christ, Qui se retira au désert conduit par l'Esprit, seul pendant quarante jours pour prier et jeûner, mais Qui pourtant eut compassion de cette foule auprès de Lui que trois jours, ne voulant pas les renvoyer à jeun, de peur que les forces ne leur manquent en chemin. (Mt 15: 32; Mc 8: 3)

Afin de rassurer ses disciples face aux rigueurs des absolus – omni tempore, observance en tout temps – omni puritate, en toute pureté – omnes negligentias, réparer toute les négligences – omnibus vitiis, s’abstenir de toute sorte de vices – et cum voluntate abbatis omnia agenda sunt tout faire sous l’obéissance, notre Bienheureux Père incite à l'initiative généreuse : « que chacun de son propre mouvement offre quelque chose », à la félicité de la coopération à la grâce « dans la joie du Saint-Esprit », et à la certitude d'espérance « attendre la sainte Pâque avec l’allégresse d’un désir tout spirituel ».

Pour saint Benoît, le Carême est bien plus que jeûne et abstinence : c’est profondément personnel, positif et engageant. Le Bienheureux Ildephonse Schuster confirme dans son commentaire à ce sujet que le Carême sert d’occasion favorable d’améliorer ce que l'on fait déjà chaque jour (comme c’est arrivé pour les serviteurs aux noces de Cana) et de renouveler l‘esprit de conversion et l'attrait du bien objectif.

Comme la Passion de Notre-Seigneur, explique le saint abbé et patriarche de Milan, le Carême n'est pas une fin en soi, mais prépare le triomphe et la fête pascale dans un esprit de générosité, d'obéissance et de discrétion.

C'est un prolongement miséricordieux des jours, afin que l’on puisse amender sa vie (Prologue), mais limité quand même, comme les choses passagères dont l’on essaye de se détacher, afin d’aspirer plutôt à ce qui perdure ; quand s’efforce la personne intégrale subtrahat corpori à maîtriser ses appétits corporels pour aiguiser le spiritalis desiderii de l'âme.

Afin de fortifier ce désir spirituel dans le sentiment, saint Benoît incite aux larmes et à la componction du cœur, et pour le stimuler dans l'intellect, il propose la lecture et la prière privée, la lectio divina, fournissant chacun d’un livre de la bibliothèque au début du carême. (ch. 48). Inspirée aussi – et préfigurée – par la multiplication des pains, l'Église nourrit le cœur, l'esprit et l'âme avec somptuosité dans sa liturgie quadragésimale qui surpasse le reste de l’année.

La magnificence des rites et des textes liturgiques traditionnels, la beauté du chant, la splendeur des cérémonies sacrées : moines et moniales, oblats et associés, bienfaiteurs et tout chrétien gagnerait amplement à se plonger dans Missel et Bréviaire, à savourer et apprécier ces richesses autant que possible.

Car le Carême peut être aussi un avant-goût du Ciel, là où, par l'amour et la miséricorde d’un Dieu généreux, les fruits généreux des austérités et de la pénitence actuels seront goûtés par les âmes généreuses.

Telle générosité et la maturité qui la soutient sont des qualités rares, surtout à notre époque, ce qui expliquerait la laxité les lois ecclésiastiques actuelles touchant la discipline du Carême.

Que l’on prenne donc au sérieux ces conseils de saint Benoît et prie sa bénédiction comme celle du père spirituel auquel l’on devrait proposer son offrande pour le Carême.

Que l’on se résout de mieux faire que de mettre en pause quelque petit plaisir tel que ‘renoncer aux bonbons pour le Carême’, ce qu’on encourageait autrefois aux petits enfants n'étant pas en âge de pratiquer le jeûne alors requis.

Que l’on vive en esprit véritable de Carême : avec courage et conviction, et discipline pour contrôler ses appétences, humilité pour corriger ses fautes et dévouement au vrai et au bien pour s’améliorer par amour à Dieu.

Que l’on s’exerce à la générosité qui complète la charité, envers Dieu comme avec son prochain, en particulier les pauvres et les plus nécessiteux.

Et que l’on soit reconnaissant de la générosité de Dieu et des autres, dont l’on est soi-même bénéficiaire privilégié mais indigne.

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