Mes bien-aimés

Je vous transmets ci-dessous la lettre de notre cher frère et concélébrant l'évêque Martin de l'Eglise Orthodoxe Française. Je me joins entièrement aux termes de cette lettre.

+ Grégoire

 

Chers pères,

Chers frères et sœurs en Christ,

 

En ce temps de mi-carême, la guerre fait rage en Ukraine, aux confins de l’Europe...

Comme elle continue à embraser des régions entières à travers de multiples conflits inter-ethniques ou inter-religieux en de nombreux endroits du monde...

Avec toujours les mêmes exactions, la même violence meurtrière, les villes ou villages encerclés et bombardés et les populations jetées sur les routes de l’exil par la folie des hommes.

 

Comme beaucoup d’instances officielles en Occident, nous condamnons clairement et fermement l’invasion de l’Ukraine fomentée par les autorités politiques et religieuses russes, comme nous condamnons, au Nom de l’Evangile, toutes les formes de violence qui attentent aux droits fondamentaux de l’être humain en aliénant sa vie, sa liberté et sa dignité. Et, dans ce positionnement, nous distinguons bien les intentions des gouvernements à la solde de forces ténébreuses et d’Eglises inféodées et empêtrées dans les affaires du monde de celles des populations qui, assiégées, militent courageusement pour la cessation de tout conflit armé...

A travers ces drames, c’est d’abord et avant tout le cœur de toutes les familles en exode qui est douloureusement touché, cœur que nous avons le devoir d’Amour de soutenir non seulement par la prière mais aussi par des actions concrètes d’aide humanitaire et d’accueil inconditionnel...

Mais c’est aussi le cœur de millions d’hommes et de femmes solidaires qui saigne face au scandale du mal.

Comment ne pas pleurer devant tant de souffrance ?

Et comment ne pas entrer dans la colère de l’Amour devant tant d’ignorance ?

 

Pourtant au-delà de figures médiatiques politiques et religieuses qui prétendent imposer leurs mauvais souffles au cours de l’Histoire, il y aurait surtout à s’insurger contre d’autres forces à l’œuvre et s’engager fermement dans la guerre essentielle à évoquer en ce temps de Carême sur le monde...

Nous faisons particulièrement référence à l’actualité brûlante d’un texte biblique comme celui du livre de l’Apocalypse où, selon le théologien orthodoxe russe, le père Alexandre Men, « Dieu nous révèle, dans la fin du cycle que nous vivons, ce qui s’accomplit dans les profondeurs de l’Histoire et quelles forces gouvernent le monde... » (« Au fil de l’Apocalypse » aux éditions du Cerf)

N’oublions pas, en effet, que derrière les individus et les diverses organisations concernés sont à l’œuvre de grandes forces spirituelles et angéliques, forces résurrectionnelles au service du Christ ou forces diaboliques au service du Satan. Le texte nous rappelle sans ambages que ce qui se passe ici-bas est la partie émergée d’un combat invisible, titanesque, qui se déroule dans les entrailles de notre histoire personnelle et collective : lutte entre Dieu et Ses anges d’un côté et, Satan et ses anges, de l’autre côté. Toute l’histoire des hommes, du monde, de l’Église est sous-tendue par cette opposition irréductible entre le Royaume de Dieu et le royaume de Satan. Et toutes les guerres extérieures et intérieures à chaque être humain sont la manifestation de ce combat souterrain entre le Dragon et l’Agneau...

De ce combat, précise l’auteur contemporain Michel Maxime Egger dans le même ouvrage, l’Apocalypse nous révèle déjà l’issue : la victoire du Christ qui inaugure le triomphe du Royaume de Dieu sur la terre. Sa Mort sur la Croix et Sa Résurrection proclament avec force que ce n’est pas la mort, le malheur, la maladie, la bêtise qui auront le dernier mot mais la force invincible de l’humble Amour...

 

En d’autres termes et de manière plus intérieure, la « guerre sainte » dont parlent les Écritures est l’exigeant combat de l’être humain avec lui-même et toutes ses tendances égoïstes, violentes, voraces (Dragon) qu’il lui faut désormais transformer et retourner en lumière dans une profonde volonté de guérir et de convertir son cœur dans la présence du Christ (Agneau), Médecin des âmes et des corps et de l’Esprit-Saint... Chaos ou harmonie extérieurs sont les reflets douloureux ou paisibles de notre monde intérieur... C’est dans ce cadre que nous mesurons l’actualité et la force des paroles du saint évêque Jean de Saint Denis – Eugraph Kovalevsky – prononcées à l’occasion d’une homélie en mars 1960, « sur la vraie guerre ».

 

« L’Eglise, en ce temps de mi-Carême, propose son enseignement de la vraie guerre : la guerre spirituelle. Vous le savez, la cause des combats entre les peuples, des difficultés dans les familles ou entre proches, des disputes [...], c’est parce que l’on ne fait pas la guerre essentielle.

Celui qui lutte contre le démon apporte la paix ; celui qui chôme, qui est déserteur, nonchalant, non-engagé dans la lutte spirituelle intérieure, qui a oublié le combat du Christ et de Satan, provoque inévitablement, même s’il est pacifique, tout mou, « je m’en fichiste », ou réfugié dans son petit coin, la guerre extérieure. [...]

 

Mes amis, si l’essentiel n’est pas réalisé, cela se reflète implacablement à l’extérieur.

Je dirais plus : si vous demeurez et luttez avec le Christ, contre le diable, comment pourrez-vous – admettons - être jaloux ou haïr un autre ? Vous n’en aurez pas le temps. Dans la victoire en Christ, les images, les grimaces, les caricatures que sont les guerres extérieures perdent toute leur force.

Ne pensez-pas alors que les guerres soient introduites seulement par des accapareurs ou des tueurs ; elles sont souvent amenées par des pacifistes, les désireux du repos dominical, par ceux qui vivent pour l’argent, le plaisir – ou n’importe quoi d’autre – ou par désir même d’avoir la paix.

La paix vraie est le fruit de l’effort perpétuel en Christ, contre le mal qui est en nous-mêmes...

 

[...] Un vrai soldat entreprenant la bataille contre le mal, avec le Christ, pour le Christ, en Christ, devra tout d’abord être bien armé et bien défendu, avoir un casque sur la tête, un habillement tel qu’il ne pourra pas être atteint par des mitraillettes ou autres instruments meurtriers.

Comment se défendra-t-il ? Avec la prompte acquisition de l’impassibilité et de la tranquillité ; car si l’offense trouble, si une simple puissance ou quelque chose du dehors seulement injuste ou faux, enlève la capacité de combattre, vous êtes déjà le blessé, la proie de l’adversaire. Même si l’on ne vous attaque pas personnellement, mais que l’on touche à ce qui est sacré pour vous, admettons blasphémer la Vierge, le Christ, votre religion, votre idéal ou votre mère, si vous êtes indigné, vous n’êtes plus un soldat.

[...] Ayant acquis cette impassibilité, la première chose indiquée par le Seigneur est la confession de la puissance divine. Ensuite, Il dira, afin de fortifier les pensées : ‘si celui qui vient lutter avec Moi, est plus fort que l’adversaire, il est victorieux.’

Que signifie, plus fort ? C’est Lui, le Christ.

Et qui est plus faible devant le Christ ? Satan.

La deuxième partie de l’attaque est que, sans le Christ, nous sommes plus faibles que Satan mais avec Lui, nous sommes forts. Le Christ a déjà gagné la bataille. Nous devons continuer cette bataille, considérant toujours que Sa Force est supérieure à toute forme d’attaque.

Je voudrais que chaque âme retienne et se pénètre de cette pensée sainte : voulez-vous être bienheureux dans votre âme ? N’abandonnez jamais le combat en Christ, contre Satan ; ce combat perpétuel qui doit aller jusqu’à votre dernier souffle vous donnera l’acquisition de la paix, mais aussi la puissance joyeuse. Le Carême, c’est cela. Aimez même, je dirais, la lutte plutôt que la victoire, laissez la victoire au Christ, honorez-Le comme notre chef d’armée, aimez surtout être soldat.

Combien c’est étrange : un homme qui cultive continuellement la lutte intérieure conquiert la Paix ; l’homme qui cherche la paix extérieurement a son âme déchirée et pleine d’angoisse.... [...]

Il y a une loi : ce que nous ne faisons pas consciemment, librement, en nous-mêmes, se passe au dehors, contre notre volonté. Amen... »   

 Homélie du 3ème dimanche de Carême, 20 mars 1960 (d’après des notes de fidèles).

 

Le seul mouvement de l’âme et du corps qui s’impose alors est l’agenouillement pour demander pardon dans un profond repentir...

Crier, supplier, implorer le Pardon de la Divine Trinité sur toutes nos histoires humaines si fragiles pour tant d’absence, d’inconscience, d’ignorance, d’indolence, de toute-puissance... Pour être lavés et redressés dans l’Eau Vive de la Miséricorde infinie de Dieu et L’entendre nous dire : « Tu es ma fille, tu es mon fils bien-aimé(e), en toi est tout mon Amour... »

« Gospodi pomilouï, Gospodi pomilouï, Gospodi pomilouï... »

« Seigneur, prends pitié... » en slavon...

Que la Toute Sainte Vierge Marie recouvre de son voile de Tendresse tous ces lieux ensanglantés du monde. Que la puissante intercession de saint Séraphin de Sarov - dont la vie a si intimement relié les terres ukrainiennes (confirmation de sa vocation monastique à Kiev) et russes (naissance à Koursk et engagement monastique à Sarov) – auprès de la Divine Trinité, guérisse nos blessures et nous ouvre la porte de l’acquisition du Saint Esprit pour témoigner de la Paix invincible du Christ...

Chaleureuses bénédictions à chacune et chacun en ce temps béni de Carême, en marche, seul et ensemble, vers Pâques...

 

+ Martin et le Conseil Episcopal de l’Eglise

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