La Liturgie baptismale

Chers lecteurs, chères lectrices,

De 1985 à 1995 j’ai eu l’honneur de succéder à Maxime Kovalevsky comme professeur de liturgie à l’Institut de Théologie Saint-Denys (96 Boulevard Blanqui, Paris). Depuis plusieurs années j’ai repris et complété l’un de mes cours, en vue de sa publication.  Il m’a semblé intéressant d’anticiper ici  cette publication, pour la formation liturgique et théologique des fidèles et en particulier de notre futur clergé.  

Cette publication se fera sous forme d'un « feuilleton » : chaque mois je publierai quelques chapitres. Vos commentaires et vos questions seront les bienvenus.

 + Grégoire   par la miséricorde de Dieu , évêque d'Arles et de l'Eglise Orthodoxe des Gaules

La Liturgie baptismale

La liturgie baptismale

 

Avant propos

Cet ouvrage traite de la liturgie du sacrement du Baptême, et de tout ce qu’il y a autour du sacrement lui-même. Lorsque nous disons « liturgie » il ne s’agit pas, ici, seulement de la « divine liturgie », de la messe. Cette « liturgie baptismale » englobe en effet, non seulement le sacrement proprement dit, mais aussi un ensemble de gestes sacramentaux distribués sur une très grande partie de l’année liturgique : la « liturgie baptismale » est à l’origine du Grand Carême Pascal, d’une partie des cérémonies de la Semaine Sainte et du Temps Pascal. Elle culmine pendant la vigile pascale, dont elle est une partie importante, avec la bénédiction des eaux, et l’administration principale, selon l’ancienne tradition, du sacrement du Baptême.

On a appelé cette liturgie « Sacrement de l’initiation chrétienne », et il faut, pour commencer, expliquer dans quel sens il faut entendre le terme « Initiation », afin d’éviter toute confusion.

Quand on parle d’initiation, à notre époque, on pense presque toujours à certaines sociétés plus ou moins discrètes ou secrètes, et il est vrai qu’à l’origine, le Baptême était, de fait, la cérémonie qui permettait d’être reçu dans une société secrète ; on le sait, les premiers chrétiens vécurent presque 250 ans dans la semi-clandestinité.  Le « parrain » du futur catéchumène était celui qui présentait le candidat à l’Eglise, qui garantissait la sincérité de son propos et qu’il « ne dévoilerait pas le secret aux ennemis du Christ ».

 « Initiation chrétienne », cela veut dire « entrée, commencement de vie chrétienne ». Le baptême est donc la cérémonie par laquelle on entre dans la vie chrétienne et où l’on commence à vivre selon ses principes.

 

 

I. La liturgie baptismale dans l’histoire

1. Généralités

            a) Quel est le sens du mot « Baptême », ou « baptiser » ?

On lit dans le dictionnaire grec-français de Bailly : « baptiser », c’est « plonger, immerger ». Ce mot est employé dans le sens de « purifier », par le poète grec Eupolis, au 5e siècle avant Jésus-Christ (446-412 avant J-C), dans le poème des Immergeurs.

Dans la Bible grecque des Septante, ce verbe grec apparaît pour la première fois dans le livre du Lévitique (11, 32) :

« Tout objet sur lequel tombera un animal « qui se traine à terre » (souris, taupe, lézard) mort, sera souillé, ustensile de bois, vêtement, peau, sac, tout objet dont on fait usage ; il sera plongé [baptiser] dans l’eau, et restera souillé jusqu’au soir ; après quoi il sera pur. »

C’est ainsi qu’apparaît le mot « Baptiser » pour la première fois dans la Bible. On a déjà le sens de plonger pour purifier.

Dans le dictionnaire Robert :

 Baptême, n.m. du grec « baptizein », immerger. Sacrement destiné à laver le péché originel, et à faire chrétien celui qui le reçoit. A l’origine, immersion dans l’eau.

Il est donc bien clair que le baptême est un acte de purification par l’eau.

            b) Pourquoi l’eau ?

L’eau est un liquide neutre, et du fait de sa nature liquide, elle coule, elle lave, et elle emporte la saleté, d’où la purification. On n’avait pas, de toute façon, attendu la Bible et Eupolis d’Athènes, pour se laver avec de l’eau lorsqu’on est sale ! C’est une évidence.

L’eau a un double symbolisme : elle lave, et, par excellence, elle est le liquide de vie. Sans eau, pas de vie ; sans eau, pas de végétaux.

L’eau, est le liquide indispensable à la vie, mais quand il est en trop grande abondance, c’est un liquide de mort, et on se noie. Le Baptême serait donc à la fois une image de la purification par l’eau, et aussi image de la mort et de la résurrection. Saint Paul (en le traduisant d’une façon un peu moderne) dira : « C’est un plongeon dans la mort et la résurrection du Christ. », et il s’agit bien d’un plongeon.

Cet acte de plongeon dans l’eau est toujours accompagné d’une profession de foi ; ce qui signifie qu’il s’agit d’une purification dans un but précis.

A l’origine, quand on lit Lévitique, 11-32, il est clair que Moïse, dans la Loi, a prévu que l’eau était ce qui devait purifier les impuretés (légales) ; à cette idée de se purifier de ces saletés les chrétiens ont ajouté quelque chose d’autre : une profession de foi. On ne se purifie pas seulement du péché originel, on marque d’une façon solennel sa foi en Jésus-Christ. Ceci en conformité littérale avec cette parole du Christ : « Celui qui aura la foi et sera baptisé, sera sauvé. » (Mc 16 :16) De cette façon, le baptisé s’agrège à l’assemblée de tous ceux qui ont professé cette foi avant lui, c’est-à-dire qu’il s’agrège à l’Eglise.

Le Baptême est donc une purification par l’eau, et une adhésion à la foi en Jésus-Christ, une immersion dans sa mort et sa résurrection, pour adhérer à ce corps mystique qui est l’Eglise. En résumé :  un certain nombre d’éléments vont devenir constants et obligatoires dans la liturgie baptismale, l’immersion dans l’eau, la profession de foi et l’adhésion à l’Eglise.

2. Préfigurations du rite du Baptême dans l’Ancien Testament

Exode 29 : 4-9 (consécration d’Aaron et de ses fils) : Tu feras approcher Aaron et ses fils à l’entrée de la Tente du Témoignage et tu les laveras avec de l’eau. Tu prendras les habits et tu revêtiras Aaron, ton frère, de la tunique, du manteau de l’éphod, de l’éphod et du pectoral, et tu lui fixeras le pectoral à l’éphod. Tu mettras la mitre sur sa tête et tu placeras la lame sainte sur la mitre. Tu prendras l’huile d’onction, tu la verseras sur sa tête et tu l’oindras. Tu feras approcher ses fils et les revêtiras des tuniques. Tu les ceindras d’une ceinture et tu leur poseras les mitres sur la tête.

Comme il est précisé : immédiatement après la purification par l’eau, il y a la vêture et l’onction de l’huile. Ceci se retrouvera dans le rituel du baptême chrétien dès le 3eme siècle ; nous y reviendrons.

Exode 30 : 17-21 La cuve d’airain : Ils se laveront avec cette eau, afin qu’ils ne meurent pas.

On met en parallèle la purification et le fait qu’elle fait obstacle à la mort.

Lévitique 16 : 23-28 :  Après quoi il entrera dans la Tente du Témoignage, il ôtera la robe de lin qu’il aura revêtue pour entrer dans le sanctuaire, et l’y déposera. Il baignera son corps dans l’eau en un lieu saint puis il revêtira sa robe.

Ici, c’est l’opposé de la purification : Pour ne pas garder sur lui pendant sa vie courante, les choses saintes, pour ne pas les profaner, quand il sort du sanctuaire, le grand-prêtre se met à part, il se dévêt entièrement, il lave son corps, et se rhabille ensuite… Au 3ème siècle, on faisait une onction de Saint Chrême sur la tête des nouveaux baptisés. C’était une onction assez importante, principalement sur la tête, et on leur posait un petit capuchon en lin pour que le Saint Chrême ne soit pas profané, répandu à l’extérieur, et que le front consacré ne soit pas profané par la poussière, les attouchements des gens. Ils gardaient ce capuchon pendant huit jours. L’idée de ce rite était d’écarter les profanations des choses saintes.

Nombres 8 : 7 :  voici comment tu les (les lévites) purifieras : Fais sur eux une aspersion d’eau purificatrice… 

Nombres 19 : 17-22 : On prendra pour celui qui est impur … on mettra de l’eau vive….etc.

 L’eau vive, c’est l’eau qu’on a puisée dans les rivières ; l’eau qui court ; vivante en quelque sorte ; pas de l’eau de puits.

Nombres 31 : 21-24 : Tout ce qui ne va pas au feu, sera purifié par l’eau.

 

 

Chroniques 29 (en entier) : grande purification, que le roi David, à la fin de sa vie, a ordonné à Jérusalem.

2Rois 5 : 1-18 : Histoire de Nâaman le Syrien avec le prophète Elisée. : Va, et lave-toi sept fois dans le Jourdain. Ta chair te reviendra et tu seras pur.  … et plus loin … et Nâaman dit : « Je reconnais qu’il n’y a point de Dieu sur la terre sinon en Israël….

Nous avons là, l’apparition dans la symbolique, de la profession de foi. Ici, elle suit la guérison, la purification. Par la suite, les juifs de la période hellénistique, après le retour de l’exil, associeront les deux choses : la profession de foi, la pénitence, avec le baptême ; et la profession de foi n’aura pas lieu après mais avant l’immersion. Dans ce texte apparaît pour la première fois le lien entre les deux actes. Cette guérison doit être liée intimement à la profession de foi, et à quelque chose d’un peu plus subtil, et qui deviendra très net par la suite : le désir du baptême. Dans le rite du Baptême, en effet, le prêtre dit : « Veux-tu être baptisé ? », et l’on doit répondre : « Oui ! Je le veux ! » Il est nécessaire d’entendre l’acquiescement de celui qui va recevoir le baptême.

Ezéchiel 16 : 4 et 9 :  Tu n’as pas été baignée dans l’eau pour être purifiée. Tu n’as pas été frottée de sel. 

Ezéchiel   36 : 25 :  Je ferai sur vous une aspersion d’eau pure, et vous serez purifiés de toutes vos souillures, et de toutes vos abominations. Je vous donnerai un cœur nouveau, et je mettrai dedans un esprit nouveau. 

Affirmation explicite de l’association entre la purification par l’eau et le renouvellement intérieur.

Zacharie   13 : 1 :  En ce jour-là, il y aura une source d’eau vive pour la maison de David et les habitants de Jérusalem, pour laver le péché et la souillure.

3. Le Baptême dans le Nouveau Testament

Dans les Evangiles il y a d’abord le baptême de Jean, ensuite le baptême de Jésus lui-même. Dans les Epitres Il y a des allusions aux rites baptismaux, dans les Actes des Apôtres, nous analyseront en détails le baptême du ministre de la reine Candace d’Ethiopie par le diacre Philippe.

  1. Le baptême de Jean 

Mt 3 : 6 : « Alors, venaient à lui [Jean-Baptiste] … et, confessant leurs péchés, ils se faisaient plonger par lui dans le Jourdain.

Mc 1 : 4 : En ces jours-là, apparut dans le désert Jean le Baptiste, criant et proclamant un baptême de pénitence pour la rémission des péchés… … Et confessant leurs péchés, ils recevaient de lui, le plongeon dans le fleuve du Jourdain. …. » Jean dit : Moi je vous ai plongé dans l’eau, mais Lui, vous plongera dans l’Esprit Saint. 

Dans cette citation nous avons remplacé « baptiser » par « plonger » pour revenir au sens primitif du verbe grec.

Nous savons qu’aux environs de 1er siècle avant J-C, certaines confréries de juifs pieux avaient l’usage de manifester leur piété en confessant publiquement leurs péchés. Il ne s’agissait pas, simplement, d’impuretés légales, de transgressions de la Loi de Moïse, mais de péchés personnels. On avait donc pris conscience, avec le temps, que ces impuretés légales, étaient l’image, en quelque sorte, des actes de transgressions des commandements de Dieu plus profonds, et pas seulement extérieurs et physiques. Ils avaient l’usage de se réunir, de confesser leurs péchés en public, à la suite de quoi, ils se plongeaient symboliquement dans l’eau, pour montrer qu’ils se séparaient de ces péchés, qu’ils s’en lavaient. Nous connaissons la plus célèbre des confréries qui pratiquaient ainsi, par les manuscrits de la Mer Morte : les Esséniens de Qumran.  Cette confrérie avait une sorte de monastère dans le désert de Juda, à Qumran, qui n’est pas très éloigné de l’endroit présumé où Jean le Baptiste baptisait.

Saint Jean Baptiste se trouve dans la lignée de ces gens-là. Il pratiquait un rite qui était commun à beaucoup de Juifs pieux de cette époque. Peut-être lui-même était-il affilié à cette confrérie des Esséniens ?

Le rituel était très simple. Le pénitent venait auprès de Jean Baptiste - et il y avait sûrement des jours particuliers pour cela -, et il confessait ses fautes ; généralement, il faisait une sorte de bilan de son existence, manifestant les choses qui n’étaient pas droites par rapport aux commandements de Dieu. Après quoi, Jean Baptiste le conduisait dans le Jourdain, et le plongeait dans l’eau.

  1. Le baptême du Christ

Le baptême du Christ lui-même revêt cette forme. C’est-à-dire que le Christ est venu au baptême de Jean Baptiste pour la rémission des péchés. Quand il a fallu qu’il confesse ses péchés, qu’est-ce qu’il a fait ?... L’Evangile est muet sur ce sujet. Origène a écrit « Sans doute a-t-il voulu confesser le péché du monde entier, car Jean le Baptiste a dit : « Voici l’Agneau de Dieu qui porte le péché du monde ». Il n’a pas de péché personnel, mais il vient dans le Jourdain avec les péchés des autres, pour laver les péchés du monde.

Le Christ emploie le mot « Baptême » dans Marc 10 : 38. Il fait allusion à sa mort : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire le calice que je vais boire ? Ou être baptisé du baptême dont je vais être baptisé ? » Le Christ lui-même emploie le mot Baptême, quand il parle de sa propre mort. Il est évident que, dès l’origine, le baptême est mis en rapport avec la mort et la résurrection. Ce n’est pas seulement un bain purificateur. C’est aussi une image de mort et de résurrection.

  1. Références baptismales dans le Nouveau Testament

Ac 1 : 5 « Jean a baptisé dans l’eau, mais vous, sous peu de jours, vous serez baptisés dans l’Esprit Saint. » Jean-Baptiste l’avait annoncé (Mc 1 :8), le Christ lui-même le dit, avant de quitter ses apôtres. Il faut insister sur ces deux passages, car le sacrement de la chrismation, l’onction du Saint Chrême que l’on fait aux baptisés, immédiatement après leur baptême, selon une formule traditionnelle, est déjà inscrit à l’origine ; on ne sépare pas le baptême de la chrismation. Nous en avons ici une preuve scripturaire.

Ac 11 : 16 : Pierre : « Jean a baptisé dans l’eau, mais vous, vous serez baptisés dans l’Esprit Saint. » Replaçons cette parole dans son contexte. Pierre a une vision. Après cette vision, il se rend à Césarée de Palestine, et il rentre dans la maison de Corneille le centurion, un païen (non juif). Or, jusque-là, les Apôtres se sont toujours adressés à des juifs, et jamais à des non-juifs polythéistes. Il a donc été appelé par Corneille qui est un néophyte, « quelqu’un qui cherche le vrai Dieu ». Quand Pierre entre dans la maison, l’Esprit Saint descend sur tous les gens de la maison, avant même qu’il leur ait parlé.

Ro 6 : 3-4 : « Ne savez-vous pas que nous tous, qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c’est en sa mort que nous avons été baptisés. »

Ce texte sert de Graduel à la liturgie de la nuit de Pâques, et il est chanté dans le rite même du baptême.

  1. Allusions aux rites baptismaux.

Jn 9 :7 : Histoire de la guérison de l’aveugle né : « Va, lave-toi dans l’eau de la piscine de Siloé. Il partit, se lava, et s’en retourna voyant clair. »

Nos pères dans la foi ont placé la lecture de cet épisode évangélique en plein milieu du carême, le mercredi de l’Illumination. C’est l’un des « scrutins du carême », jour particulier où les catéchumènes recevaient pour la première fois les textes du Symbole de la foi et du Notre Père. Leurs yeux « s’ouvraient » symboliquement.

1Co 6 : 11 : « …mais vous vous êtes lavés ; mais vous vous êtes sanctifiés, et vous avez été ajustés par le Nom du Seigneur Jésus-Christ, et par l’Esprit de notre Dieu. »

Mt 28 : 19 : Le Christ dit : « Allez, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant (les plongeant) dans le nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit. »

La formule baptismale apparaît pour la première fois dans ce texte de l’Evangile selon saint Matthieu ; en le rapprochant du texte précédent (Saint Paul aux Corinthiens) on trouve le rite extérieur, physique, de la purification par l’eau, et le geste spirituel de se plonger dans la Trinité. Les deux, le geste extérieur et l’acte spirituel, ne sont pas séparés dans la pensée des Apôtres.

Mc 16 : 16 : « Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé. »

He 10 : 22 : « Approchons-nous avec un cœur sincère, dans la plénitude de la foi, les cœurs purifiés d’une mauvaise conscience, et le corps lavé d’une eau pure. »

Ap 22 : 14 : « Heureux ceux qui lavent leur robe ; ils pourront disposer de l’arbre de vie, et entrer dans la cité par les portes. »

En dehors des allusions au paradis, nous avons ici une allusion à ceux qui, ayant été lavés, peuvent entrer dans l’église, dans le bâtiment même, pas seulement dans l’Eglise comme corps mystique du Christ, mais dans le bâtiment où ils n’étaient pas admis jusque-là. Allusion à une croyance très forte chez les premiers chrétiens : le baptême ouvre les portes du paradis, nous fait retourner à l’état d’innocence de nos premiers parents avant la chute.

  1. Le baptême du ministre de la reine Candace d’Ethiopie (Ac 8 :26-39)

C’est l’histoire du diacre Philippe, l’un des sept diacres consacrés par les apôtres parmi les juifs de la diaspora, et qui vivaient dans les pays de langue grecque, pour s’occuper spécialement des prosélytes et des nouveaux chrétiens de la diaspora. Ces chrétiens n’étaient pas palestiniens, et se rendaient à Jérusalem pour les pèlerinages. Ils formaient une communauté à part dans la primitive communauté chrétienne ; ils étaient de langue grecque, et ne parlaient pas l’araméen pour la plupart.

Ces diacres étaient extrêmement actifs. Parmi eux, le diacre Etienne s’est fait remarquer par son zèle, il a été arrêté, condamné par le Sanhédrin, et lapidé. C’est le début de la persécution et de la dispersion de la communauté de Jérusalem. Le diacre Philippe part vers le Sud. Il va là où l’Esprit l’envoie. Voici le passage qui nous intéresse :

Un ange du Seigneur parla à Philippe en disant : « Lève-toi et dirige-toi vers le sud, sur la route qui descend de Jérusalem à Gaza, celle qui est déserte ». Il se leva et partit. Et voici : un Ethiopien, un eunuque, ministre de Candace, reine d’Ethiopie, et surintendant de tous ses trésors, était venu à Jérusalem en pèlerinage. Il s’en retournait et, assis dans sa voiture, lisait le prophète Isaïe. L’Esprit dit à Philippe : « Avance et rejoins ce chariot ». Philippe courut et entendit l’Ethiopien lire le prophète Isaïe. Il lui dit : « Comprends-tu bien ce que tu lis ? » L’autre lui dit : « Et comment le pourrais-je si personne ne me guide ? » Et il pria Philippe de monter s’asseoir près de lui. Or le passage de l’Ecriture qu’il lisait était celui-ci : « Comme une brebis, il a été mené à l’abattoir, comme un agneau muet devant celui qui le tond, il n’a pas ouvert la bouche. Dans l’humiliation son jugement a été prononcé ; sa postérité, qui la racontera ? Car sa vie a été retranchée de la terre ». S’adressant à Philippe, l’eunuque dit : « Je t’en prie, de qui le prophète dit-il cela ? Est-ce de lui-même ou parle-t-il d’un autre ? » Alors Philippe prit la parole et, commençant par ce passage, lui annonça la Bonne Nouvelle de Jésus. Chemin faisant ils rencontrèrent un point d’eau et l’eunuque dit : « Voici de l’eau ; qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé ? » Philippe lui répondit : « Si tu crois de tout ton cœur, cela est possible ». L’eunuque répondit en disant : « Je crois avec certitude que Jésus Christ est le Fils de Dieu ». Il fit donc arrêter la voiture et ils descendirent tous deux dans l’eau, Philippe et l’eunuque, et Philippe le baptisa. Dès qu’ils furent remontés de l’eau, l’Esprit du Seigneur enleva Philippe et l’eunuque ne le vit plus, mais il continua sa route tout joyeux.

Voilà donc le passage de l’Ecriture dans lequel on décrit tout le processus du Baptême pour la première fois. D’abord, il s’agit d’un étranger, d’un éthiopien, et il est eunuque et ministre. On voit déjà que l’Esprit pousse les disciples à s’adresser à des gens qui ne sont pas les brebis d’Israël. On va vers les peuples des non-juif, des « goyim », et de plus, ici, vers quelqu’un de mutilé, qui n’était pas reçu à la synagogue ; un marginal en quelque sorte.

Analysons ce texte : ce récit peut se découper en quatre parties :

– Il y a d’abord une première partie que l’on pourrait appeler la recherche

Cet homme est en recherche. Il n’est pas Juif mais il professe la foi d’Israël. C’est un croyant pieux ; il va à Jérusalem en pèlerinage ; il peut se permettre ce long voyage ; c’est le Grand Trésorier de la Reine des Ethiopiens, la Candace. C’est un homme riche : il a une voiture. Enfin, non seulement il fait le pèlerinage, mais, en rentrant chez lui, il lit le rouleau d’Isaïe, parce qu’il s’instruit. Il s’instruit, mais il a aussi conscience que, si on ne le guide pas, il ne pourra pas pénétrer les arcanes de l’Ecriture.

– deuxième partie :  l’enseignement.

Immédiatement, le ministre demande : « Explique-moi » ; il fait monter le diacre Philippe dans son char. Il y a un rapprochement des deux personnages.

Dans les explications du diacre Philippe du livre d’Isaïe, nous apparaît le schéma du Kérygme, de la proclamation de la parole de Dieu chez les apôtres. C’est le schéma du catéchisme tel qu’il était en usage chez les premiers chrétiens : à partir d’un texte de l’Ancien Testament, et on décrit toute l’histoire du Salut. Ce schéma se retrouve dans la bouche de l’apôtre Pierre un peu avant dans ce même livre des Actes des Apôtres. Le diacre Philippe donne tout l’enseignement que les chrétiens pouvaient donner à cette époque : Jésus, le Christ, accomplit ce que les prophéties annonçaient.

– troisième partie : Le désir du baptême.

L’eunuque lui-même demande : « Qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé ? ». Nous verrons un peu plus loin, que, dans le rite du baptême, existe toujours une affirmation claire du désir d’être baptisé, immédiatement avant d’être plongé dans la piscine baptismale. Avec ce désir du baptême, il y a en même temps dans ce cas précis, une profession de foi implicite ; implicite, puisque, par ce désir du baptême, il montre qu’il a compris et accepté l’enseignement qu’on vient de lui donner. La profession de foi et le désir du baptême sont liées et elles sont indispensables.

– quatrième partie : Le baptême lui-même

Dans une eau naturelle, courante. Les deux personnages, celui qui baptise, et celui qui est baptisé, descendent dans l’eau. C’était déjà pratiqué ainsi par Jean-Baptiste. « L’Esprit Saint tomba sur l’eunuque, et l’ange du Seigneur enleva Philippe. » Ici, c’est l’Esprit-Saint lui-même qui descend sur celui qui vient d’être baptisé. Il n’y a de chrismation, mais l’Esprit Saint lui-même est le sacrement : le baptême et l’acquisition de l’Esprit Saint sont liés.

Ce passage du livre des Actes est important, il décrit parfaitement le schéma du baptême que les premières générations de chrétiens vont pratiquer.

Il y a, dans ce même livre, deux autres descriptions de baptêmes, mais sans détails :

Au chapitre 9, le baptême de Saint Paul, baptême qui est plus symbolique ; Paul avait perdu la vue pendant une vision dans le désert sur la route de Damas ; il retrouve la vue, il est « illuminé » par le baptême. Au chapitre 16, le baptême de Lydie, la marchande de pourpre de Philippe en Macédoine ; elle est baptisée par Saint Paul dans une rivière.

Dans tous les rituels de baptême, nous retrouverons les quatre parties que nous avons indiquées ci-dessus :

  • La recherche, la quête de Dieu ;
  • L’enseignement ;
  • Le désir du baptême et la profession de foi ;
  • L’immersion avec l’onction, et l’imposition des mains pour recevoir l’Esprit Saint.

En résumé : à l’origine, dans l’Ancien Testament, les bains rituels sont destinés à purifier des impuretés qui sont dénombrées par la Loi, des transgressions, des impuretés légales, prévues par le Lévitique, le Deutéronome, et le Livre des Nombres. 

Au fur et à mesure que le temps passe et que l’on se rapproche de l’ère chrétienne, les Juifs ont compris aussi les ablutions rituelles comme moyen de purifier des péchés plus spirituels, non pas seulement des impuretés légales, matérielles et mécaniques.

Finalement, les chrétiens remplacèrent les purifications légales par une manifestation solennelle de la foi. Le Baptême est le sceau de la profession de foi. S’il lave des péchés antérieurs, c’est parce que nous ajoutons foi au Christ. Sans la foi au Christ, le baptême chrétien n’a pas de valeur.

Dès lors la conception du baptême ne changera plus. Ce qui changera, c’est le décor qui l'entoure, si l’on ose dire.

 

( à suivre...)

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