La Liturgie baptismale (5)
Le Baptême aux 3ème et 4ème siècles (suite de la précédente publication)
A propos de l’onction d’huile, il semble bien que le corps tout entier était oint d’huile. Pourquoi cette onction ? Tout d’abord, à cause du symbole : l’huile, c’est la miséricorde. En grec, to elayon [Το έλαίον], l’huile (d’olive) est en rapport phonétique (et sémantique) avec le verbe eleèo [έλεεω], faire grâce, avoir compassion, l’huile est le symbole de la miséricorde qui vous couvre entièrement. Et cela rappelait aussi une pratique des thermes, où, avant le bain, on vous enduisait d’huile et de sable fin dans ces pays où le savon n’existait pas. Ensuite on allait au bain de vapeur, on se raclait avec un petit racloir, et après seulement on se baignait dans l’eau chaude. C’était ainsi qu’on se lavait. Il y a donc un rappel implicite : le baptême est un bain purificateur, où on se lave non seulement le corps mais l’âme et l’esprit.
« Un diacre descendra avec lui de cette manière ».
On ne sait pas si le diacre aussi était nu. Le texte est énigmatique. Nous pensons qu’il descendait nu dans l’eau avec le catéchumène. Il n’y a aucune raison qu’il descende tout habillé. D’ailleurs, on sait que pour des raisons de décence, les femmes étaient baptisées à part. Seul l’évêque était présent avec les diaconesses qui jouaient un rôle liturgique actif pendant le baptême des femmes. Il faut noter que dans certaines églises protestantes, aux Etats-Unis en particulier, cette pratique a encore lieu , le pasteur qui baptise descend dans le baptistère (ou la rivière) avec le catéchumène.
(21) « Lorsque le catéchumène sera descendu dans l’eau celui qui baptise lui dira en lui imposant les mains : « Crois-tu en Dieu, le Père tout puissant ? » ; Celui qui est baptisé dira à son tour : « Je crois », et aussitôt, celui qui baptise, tenant la main sur sa tête, le baptisera une fois. (baptiser=plonger).
Ensuite, il dira : « Crois-tu au Christ Jésus, fils de Dieu, qui est né du Saint Esprit et de la Vierge Marie, qui a été crucifié sous Ponce Pilate, qui est mort, est ressuscité le troisième jour, vivant entre les morts, est monté aux cieux, est assis à la droite du Père, qui viendra juger les vivants et les morts », et quand il aura dit « Je crois », il sera baptisé une deuxième fois.
De nouveau, celui qui baptise dira : « Crois-tu en l’Esprit Saint [qui est] dans la Sainte Eglise ? », et celui qui est baptisé dira « Je crois », et ainsi il sera baptisé une troisième fois. »
Nous avons une triple confession et une triple immersion, c’est bien au nom de la Trinité que l’on baptise... Il y a participation active de celui qui est baptisé.
« Quand il sera remonté, il sera oint par le prêtre avec l’huile d’action de grâce, avec ces mots « Je t’oins d’huile sainte au nom de Jésus-Christ. », et ainsi, chacun, après s’être essuyé, se rhabillera, et ensuite ils entreront dans l’église. »
Cette deuxième onction a disparu. Elle était propre au rite romain. Elle était faite avec l’huile de bénédiction ; ce n’est pas le Saint Chrême. Actuellement, nous utilisons trois huiles : l’huile des catéchumènes, l’huile des malades, et le Saint Chrême. Là, il y a l’huile des exorcismes, qui correspond à l’huile des catéchumènes, l’huile d’action de grâce (qu’on appelle quelquefois « huile de bénédiction ») et le Saint Chrême (appelé aussi « huile d’action de grâce »).
Ensuite, on rentre dans l’église :
« L’évêque, en leur imposant la main, dira l’invocation suivante : « Seigneur Dieu qui les as rendus dignes d’obtenir la rémission des péchés par le bain de la régénération, rend les dignes d’être remplis de l’Esprit Saint, et envoie sur eux ta grâce, afin qu’ils te servent suivant ta volonté, car c’est à toi qu’appartient la Gloire, Père, Fils et Saint Esprit, dans la Sainte Eglise, maintenant et dans les siècles des siècles. »
C’est, à peu de choses près, la même prière que celle que nous employons de nos jours au moment de la confirmation-chrismation.
« Ensuite, en répandant de l’huile d’action de grâce de sa main, et en posant celle-ci sur la tête, il dira : « Je t’oins d’huile sainte en Dieu le Père tout-puissant et dans le Christ Jésus et dans l’Esprit-Saint. »
C’est ce qui correspond à la chrismation actuelle.
L’onction d’action de grâces, nous dirions maintenant « du Saint-Chrême », par l’évêque, se fait sur la tête. L’évêque verse l’huile dans sa main et impose la main au nouveau baptisé. Cela ressemble beaucoup à ce qu’aurait pu être le sacre de David par le prophète Samuel. Le livre de Samuel nous dit qu’il sortit sa corne d’huile et la versa sur la tête de David.
Les nouveaux baptisés étaient alors admis au rang des fidèles, c’est-à-dire qu’ils priaient avec les fidèles, et recevaient le baiser de paix. Puis, on célébrait l’eucharistie, et les nouveaux baptisés participaient à la communion.
Les trois grands sacrements de l’initiation (le baptême, la chrismation et l’eucharistie), ne sont jamais séparés dans le temps ; ils ont lieu ensemble. Et c’est l’ensemble de ces trois sacrements que l’on appelle l’initiation chrétienne. Pour faire un chrétien, il faut que ces trois mystères soient accomplis.
Pouvons-nous résumer en 4 mots-clés ? Recherche, enseignement, profession de foi, immersion. Nous avons développé ici ces quatre parties. Les chrétiens des générations suivantes ont simplement amplifié par un certains nombres de cérémonies symboliques chacune de ces quatre parties.
Entre 250 et 300, ces rites vont s’organiser et se fixer, avec une certaine latitude toutefois , car, à Rome, en Gaule ou en Orient, on n’agissait pas exactement de la même manière, mais la structure, l’ordo, restait identique. La société chrétienne va changer, ce qui va amener certains rites à disparaître, et d’autres à devenir plus importants. Le catéchuménat ne durera plus trois ans. On fera une distinction entre les catéchumènes : ceux qui sont inscrits sur le rôle, et ceux qui suivent réellement l’enseignement ; ceux-ci, on les appellera les compétents. Certains resteront catéchumènes toute leur vie. L’empereur Constantin s’est fait baptiser sur son lit de mort. C’était plus pratique : il a pu continuer tranquillement à être pontife de Jupiter, et à en pratiquer toute la pompe, tout en étant catéchumène. L’empereur Constance, son fils, fit de même.
Le baptême est unique ; les conciles des 4ème et 5ème siècles vont fulminer contre les chrétiens qui se font baptiser plusieurs fois.
A propos des exorcismes, on faisait une différence entre les exorcismes sur les possédés, et les exorcismes sacramentaux, qui sont des actes liturgiques consistant à chasser le démon, à chasser les traces, les miasmes que les gestes et la liturgie païenne ont pu laisser dans la conscience du catéchumène. Il n’est plus question d’exorcisme après le baptême. Les exorcismes liturgiques, ces exorcismes de préparation au baptême, viennent à la fin d’un scrutin, après un certain stade d’enseignement. Actuellement, on aurait tendance à confondre ces exorcismes avec l’exorcisme sur les possédés. C’est très différent. Quand on lira, à la fin de cet exposé, les textes des trois exorcismes principaux qui demeurent dans notre liturgie du baptême, on verra qu’ils sont dirigés dans un sens très précis. Ils veulent détruire dans les catéchumènes, les effets que la superstition, la religion naturelle, la mythologie païenne auraient pu laisser, pour bien montrer que ces manifestations ont été vaincues par le Christ, que ce sont des riens, des néants, et qu’il faut s’en laver la tête, si l’on peut dire.